Économie

Les entreprises alourdies par l’allongement des délais de paiement

Illustration d’une facture. – MICHEL / SIPA GILE

  • Le cabinet Arc a publié mardi son baromètre sur la santé financière des entreprises.
  • La crise des coronavirus a provoqué une augmentation des retards de paiement des factures, ce qui peut mettre les entreprises en danger.
  • Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, est favorable à la création d’une notation pour identifier les mauvais payeurs.

Des factures qui prennent de plus en plus de temps à payer, un flux de trésorerie qui s’assèche progressivement, jusqu’à ce que le paiement soit résilié et finalement clôturé. C’est, succinctement, le sombre scénario que de nombreuses entreprises redoutent en ce moment, avec la crise économique liée à Covid-19. Le baromètre du cabinet Arc, publié ce mardi, ne les incitera pas forcément à être plus optimistes.

Selon leur enquête auprès de 500 entreprises début septembre, les retards de paiement ont fortement augmenté ces derniers mois, touchant particulièrement les PME (petites et moyennes entreprises, de moins de 250 salariés), plus fragiles que les grands groupes. Pour rappel, un retard de paiement est constaté dès que le délai de règlement de la facture est dépassé. Classiquement, ce délai est de 30 jours après l’achèvement de la prestation ou de la livraison de la marchandise.

Conditions de paiement plus longues

Selon le cabinet Arc, les retards de paiement pour les PME s’élèvent désormais à 18,6 jours en moyenne (ce qui signifie que le paiement intervient 48 jours après la prestation). C’est une semaine de plus (7,7 jours) que l’année précédente. «Il faut prendre la mesure de cette explosion», explique Denis Le Bossé, président du cabinet. Car pour 95% des dirigeants interrogés dans le baromètre, «le non-respect des délais de paiement met en danger la santé des entreprises, qui peut aller jusqu’à la mise en faillite».

Comment expliquer ces retards? Pour 32% des entreprises, c’est parce que leurs clients qui paient en retard ont également des arriérés de trésorerie et ne sont donc pas en mesure de libérer suffisamment d’argent pour payer leurs factures. Mais 24% des sondés affirment que ce blocage est «délibéré», sans nécessairement avoir une justification précise. Par exemple, il peut s’agir d’entreprises qui ont la capacité de payer mais qui préfèrent conserver des réserves.

Les PEM à la rescousse

Lorsque l’argent s’épuise, les entreprises sont souvent contraintes de se tourner vers d’autres solutions, comme le prêt garanti par l’État (PGE), qui propose des tarifs très bas (entre 1% et 2,5%), avec un remboursement échelonné sur cinq ans maximum. Avant l’été, plus de 500 000 entreprises l’avaient déjà demandé, pour un total de 85 milliards d’euros de prêts. Alors que l’appareil devait s’arrêter à la fin de l’année, l’Etat a finalement décidé que les entreprises pouvaient y souscrire
au 30 juin 2022. L’exécutif milite également pour le développement des prêts participatifs, qui ont l’avantage de ne pas être enregistrés en dette au bilan des entreprises (même s’ils doivent être remboursés). Mais cela ne suffira pas forcément: «De nombreuses entreprises vivent encore grâce aux aides d’État», note Kérine Tran, directrice juridique du cabinet Arc. Une fois le prêt consommé, ils risquent de déclarer rapidement faillite ».

Pour préserver la trésorerie, il est donc impératif de réduire les délais de paiement. Afin de faire pression sur les mauvais payeurs, l’État s’est développé depuis plusieurs années le «nom et honte» en affichant sur le site de la DGCCRF les entreprises qui se sont vu infliger une amende pour ne pas avoir payé leurs factures à temps. Depuis l’année dernière, ils sont également obligés de publier la sanction dans la presse locale à leurs frais.

Vers une agence de notation spécifique?

Mais les chefs d’entreprise interrogés appellent à des mesures plus fortes, notamment la création d’une «agence de notation des conditions de paiement». Construit sur le modèle des agences de notation classiques (comme Moody’s ou Standard & Poor’s) qui évaluent le risque de non-remboursement, il attribuerait une notation publique à chaque entreprise, en fonction de sa rapidité à payer ses factures à temps. «Cela améliorerait la transparence, juge Kérine Tran, car les sociétés solvables risquent fort de ne pas respecter les délais de paiement».

Cette proposition a reçu le soutien de Bruno Le Maire. Invité à réagir aux résultats du baromètre, le ministre de l’Économie s’est dit «favorable à cette notation (…) qui permet aux PME et sous-traitants de s’informer, et peut être valorisante pour une entreprise qui fait l’effort de payer juste à temps ». Cependant, le ministre explique que cette proposition verra le jour « lorsque la période [économique] sera un peu plus calme ». Ce qui, au vu de la situation épidémique, laisse encore de longs mois aux entreprises récalcitrantes ou en difficulté pour améliorer leurs délais.

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Yseult Sauveterre

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