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« L’hydroxychloroquine n’est pas efficace et l’association avec l’azithromycine augmente la mortalité », déclare un chercheur

Illustration d’un blister Plaquenil, qui contient de l’hydroxychloroquine. – SYSPEO / SIPA

  • Un article paru ce jeudi dans Microbiologie clinique et infection, montre, en analysant 29 études, que la célèbre hydroxychloroquine n’a aucun effet sur les patients atteints de Covid-19.
  • De plus, pour la première fois, ces études révèlent que le cocktail hydroxychloroquine + azithromycine augmente le risque de mourir.
  • Nathan Peiffer-Smadja, l’un des auteurs de cette méta-analyse, explique pourquoi il s’agit d’une étape importante.

Jamais (sans doute) les Français n’ont développé une telle passion pour les molécules aux noms complexes. Devriez-vous prendre de l’hydroxychloroquine avec de l’azithromycine face au coronavirus? Après de nombreux rebondissements, une étude, qui paraît ce jeudi dans Microbiologie clinique et infection, pourrait (à nouveau) relancer le débat. Ou fermez-le.

Selon cette méta-analyse, la prise d’hydroxychloroquine contre Covid pas d’Utilisation. Pire, la prise du cocktail hydroxychloroquine + azithromycine augmente le risque de mourir. L’un des auteurs de cet article, Nathan Peiffer-Smadja, spécialiste des maladies infectieuses à
l’Inserm, explique pourquoi cette publication devrait attirer l’attention.

Question méthodologique, comment avez-vous réalisé cette méta-analyse?

Nous avons suivi une méthode très précise en lançant des recherches par mots clés sur plusieurs bases de données, pour extraire tous les articles sur le sujet. Nous avons ensuite sélectionné 29 études, avec 12 000 patients témoins, 8 000 patients traités par hydroxychloroquine + azithromycine et 11 000 traités par hydroxychloroquine.

Nous l’avons soumis pour publication dans une revue scientifique internationale; le rédacteur en chef de la revue ainsi que deux «critiques» ont relu notre étude. Je clarifie cela parce que, ces derniers mois, des articles ont été publiés dans les médias avant d’être revus par les pairs et validés pour publication.

Quel est le résultat de votre étude?

Nous avons comparé des groupes de patients traités par hydroxychloroquine, hydroxychloroquine et azithromycine, et des groupes témoins, qui n’avaient reçu aucune de ces molécules. Nous obtenons deux grands résultats. Le premier est que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace dans le traitement de Covid-19. Autre résultat majeur: l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine augmente la mortalité. Dans le détail, le risque de mourir augmente de 7% en termes absolus, et il est augmenté de 27% en termes relatifs. Autrement dit, si un patient a 10% de risque de mourir [en fonction de ses pathologies, antécédents, mode de vie…], il aura un risque de 12,7% de mourir avec ce traitement.

Cela signifie-t-il que l’hydroxychloroquine seule n’est pas dangereuse?

L’hydroxychloroquine n’augmente pas la mortalité. Mais trois essais contrôlés randomisés, la meilleure façon d’évaluer l’efficacité, révèlent que les effets secondaires sont en augmentation: plus de diarrhée, de problèmes cardiaques ou hépatiques.

Il y a déjà eu beaucoup d’études sur ce traitement, et même une méta-analyse. En quoi votre travail est-il nouveau?

La dernière méta-analyse a résumé 8 études (contre 29 ici) et était précoce, sans essai contrôlé randomisé. Il était donc moins robuste que celui-ci. Surtout, nous sommes les premiers à prouver que cette association augmente considérablement la mortalité des patients atteints de Covid-19.

Qu’est-ce que cela change pour la recherche d’un traitement contre le coronavirus?

Ce qui change est déjà pour les patients: nous ne devons pas utiliser d’hydroxychrloroquine pour traiter Covid-19. Et il faut absolument éviter l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine. C’est conforme à ce que nous pensions, mais ici nous avons des preuves scientifiques. Ces deux traitements allongent l’intervalle QT (le temps entre les ondes Q et T) du rythme cardiaque, augmentant ainsi le risque de troubles graves. D’autant que le Covid provoque des crises cardiaques.

Cette étude est définitive. Ce traitement a fait l’objet de nombreux débats… C’est assez terrible, car il a entravé la recherche clinique sur d’autres traitements et mis des personnes en danger. Pour le moment, il n’existe pas de traitement efficace contre cette pathologie. Nous savons seulement que, dans les formes pulmonaires sévères, l’utilisation de corticostéroïdes est efficace. Et c’est un essai clinique randomisé qui l’a montré!

Savons-nous si ce risque accru varie en fonction de l’âge du patient?

Il n’y a pas de différence majeure, ni en fonction de l’âge et de la comorbidité du patient, ni en fonction de la dose utilisée du traitement. Mais ces données n’étaient pas nécessairement fournies par les études réalisées.

Une étude observationnelle belge vient de révéler qu’une faible dose d’hydroxychloroquine aurait un effet sur la mortalité. Le débat n’est donc pas clos?

Dans cette étude belge, comme celles de l’équipe du Pr Raoult, les personnes traitées par hydroxychloroquine sont plus jeunes, ont moins de comorbidités et ont reçu plus de corticostéroïdes que dans le groupe témoin. Dans les études observationnelles, les données des patients traités sont utilisées pour générer des hypothèses. Mais ce qui permet de prendre une décision thérapeutique, ce sont les essais randomisés et les méta-analyses, le sommet de la pyramide de la médecine factuelle.

Une étude française publiée en juin a suggéré que l’hydroxychloroquine réduirait le temps passé à l’hôpital. Est-ce un aspect que vous avez exploré?

Non. Mais sur les sept essais randomisés sur l’hydroxychloroquine seule, aucun n’a trouvé de diminution de la durée d’hospitalisation, et une étude anglaise a même conclu que la durée d’hospitalisation avait augmenté.

L’hydroxychloroquine a fait l’objet de débats intenses en France, notamment autour du professeur Didier Raoult. Que dire aux Français qui doutent?

Nous devons faire confiance aux autorités et aux études de qualité plus qu’à une personne. Le problème était centré sur un traitement, alors que la vraie question est le processus d’évaluation. Et c’est la même chose pour toutes les molécules. Didier Raoult a fait une évaluation non rigoureuse. Pour savoir si un traitement fonctionne ou non, il faut se donner le temps de l’évaluer. Sinon, nous risquons de mettre les gens en danger. Nous avons donc besoin d’essais où nous attirons beaucoup de patients qui ont le «traitement candidat» et d’autres qui n’en ont pas.

Cette confrontation autour d’un traitement est-elle exceptionnelle?

Ce qui est vraiment exceptionnel, c’est à quel point le public a adopté ces questions. Certains leur ont fait croire que c’était à eux de choisir leur traitement. J’ai participé à des essais thérapeutiques en Guinée sur Ebola , et personne n’a commencé à dire « nous avons besoin de telle ou telle molécule ».

Ce que j’avais déjà observé, en revanche, est une remise en cause de la démarche scientifique, voire des essais cliniques. Certaines personnes pensent que vous ne pouvez pas attirer beaucoup de patients. Il est vrai qu’il existe des pathologies très mortelles (comme Ebola, avec 80% de mortalité), pour lesquelles on ne tirera pas au sort entre un traitement et rien, mais entre deux traitements. Pour Covid-19, un patient diagnostiqué a un risque de 1% d’être hospitalisé. Il faut donc être très exigeant sur la tolérance et l’absence de toxicité de la molécule.

Les chercheurs doivent-ils mieux communiquer avec le grand public?

Évidemment. Les outils d’un processus scientifique rigoureux sont essentiels, mais nous avons absolument besoin d’une bonne communication, et cela a fait défaut ces derniers mois. Le coronavirus a révélé que de nombreuses personnes ne comprennent pas ce que nous faisons. Les choix thérapeutiques à l’hôpital sont faits sur la base de ces études. Nous devons travailler pour tisser un lien entre la recherche médicale et le grand public.

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François Faure

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