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« Il y avait des doutes dès le départ sur la solidité financière de Mediapro »

Mediapro, principal diffuseur du football français, bouscule l’écosystème de la Ligue 1 en demandant de renégocier les droits télévisuels juteux (780 millions d’euros par an, plus 34 millions pour la Ligue 2). Cabinet, la Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé dans un communiqué, jeudi 8 octobre, refuser d’accorder un délai de paiement au groupe présidé par Jaume Roures, qui réclame le temps de respecter le délai de 172 millions d’euros. euros à payer le 6 octobre.

Consultant international en droits de télévision sportive, Pierre Maes est l’auteur du livre Le secteur des droits de football TV (FYP, 2019). Critique du projet du groupe sino-espagnol, il rappelle que ce dernier n’avait pas initialement l’intention de créer une chaîne (appelée depuis «Téléfoot la chaîne de football»).

Comment interprétez-vous la volonté du président de Mediapro, Jaume Roures, de demander à renégocier le contrat le liant à la Ligue?

Dès 2018 et l’appel d’offres, donc avant le Covid-19, j’avais des doutes sur la solidité financière de Mediapro et le «deal» de la Ligue. Ce qui se passe aujourd’hui est un résultat assez logique. Pour les personnes qui connaissent le monde du football, Mediapro est avant tout une agence. Et une agence achète et vend des droits tout en prenant, si possible, une plus-value dans le processus. Telle était la première intention de Mediapro, même si son président, Jaume Roures, l’a démentie. Entre l’appel d’offres et le début de la diffusion cette saison, Mediapro a eu deux ans pour revendre ses droits et réaliser une bonne affaire. Cela explique pourquoi le groupe a été si lent à créer sa chaîne. Mais il a fini par le faire parce qu’il ne pouvait pas trouver d’acheteurs.

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Cependant, Mediapro distribue Téléfoot aux principaux fournisseurs d’accès (FAI) tels que Free, SFR, Bouygues Telecom et Orange. Cela aurait dû lui donner une certaine visibilité …

Oui, mais cela a échoué avec Canal +, qui reste très puissant dans le paysage sportif. Et concernant ces accords avec les FAI, on ne sait pas si Mediapro a obtenu des minimums garantis pour que Free ou Orange, par exemple, puissent proposer Téléfoot à leurs clients. Lorsque SFR a acquis les droits de la Ligue des champions, les autres FAI ont refusé de payer ces minimums garantis pour diffuser RMC Sport. Ils n’avaient pas cédé, considérant le prix trop élevé.

Dans le cas qui nous intéresse, on dit que Mediapro aurait fini par renoncer à ces minimums. Il y a eu une forte pression du monde du football français pour élargir la diffusion de la Ligue 1. Là, c’est presque général – sauf Canal + -, mais avec des risques financiers plus importants pour Mediapro.

En choisissant Mediapro, la LFP et les présidents de club ont opté pour le meilleur enchérisseur, quitte à avoir moins de visibilité que sur Canal + ou BeIN Sports…

Dans tous les appels d’offres, en France et à l’étranger, le débat entre revenu et exposition a toujours été court et en faveur du revenu. Le meilleur exemple est celui des droits de télévision de la Ligue des champions. Jusqu’à il y a dix ans, la Coupe d’Europe était principalement diffusée sur des chaînes gratuites, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce n’est pas une spécificité française.

Cela n’a pas empêché certaines inquiétudes du côté des présidents. Peu de temps après l’appel d’offres, Bernard Caïazzo, le président de Saint-Etienne et de la Premier League [syndicat réunissant les principaux clubs de L1], était préoccupé par la solidité financière de Mediapro. Il avait été rappelé à l’ordre, mais cela montrait qu’il y avait un doute dès le départ.

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James Roure évoque la crise sanitaire pour justifier sa volonté de renégocier. Est-ce un argument recevable?

De nombreux footballeurs doutent de l’objectif de 3,5 millions d’abonnés, le seuil de rentabilité fixé par Roures. Le Covid-19 n’a rien changé. Il est très difficile de recruter et de garder un abonné. Le portefeuille clients est déjà très chargé avec diverses offres d’abonnement et il y a surtout du piratage, dont l’ampleur est encore mal connue, mais qui est un facteur majeur.

Que se passerait-il en cas de défaut?

On peut imaginer le football en panique en cas de défaut de paiement de Mediapro, et un nouvel appel d’offres en cas de catastrophe. Canal + pourrait alors revenir en force. A partir du moment où le groupe Canal + n’a pas signé d’accord de distribution pour Téléfoot, c’est parce qu’il attend et espère que Mediapro coulera. Et pour eux, cela se produit plus tôt que prévu.

Il faut ajouter que Mediapro a signé un accord avec Altice pour co-diffuser la Ligue des champions jusqu’aux huitièmes de finale, et ce avec l’idée de booster ses abonnements avec un produit très attractif. Mais cet accord ne court que pour cette saison, avant le retour de la Coupe d’Europe à Canal + et BeIN Sports dès la saison prochaine.

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Raimunde Michaud

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