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En Guinée, tout le monde imagine déjà son candidat à la présidentielle ce dimanche électoral

De part et d’autre de l’autoroute qui sépare la presqu’île de Conakry en deux, Mamadi Sylla et Alhassane Diallo font le même pronostic. Leur candidat remportera l’élection présidentielle au premier tour, organisée ce dimanche 18 octobre en Guinée. Sinon … si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) annonçait le contraire, d’ici quelques jours, cela pourrait bien tourner au chaos dans les rues de la capitale. Le problème est que ces deux jeunes hommes ne peuvent pas supporter le même champion. Alors forcément, il y aura déception dans l’un ou l’autre.

Mamadi Sylla et toute sa famille du quartier de Matam ne jurent, en fait, que par le président sortant, Alpha Condé, et son parti, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG). Alhassane Diallo, il n’a d’yeux que pour Cellou Dalein Diallo, comme 90% des habitants du district de Hafia, zone minière de la commune de Dixinn, qui soutiennent massivement l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et son dirigeant.

Troisième élection présidentielle depuis 1958

Cette élection présidentielle n’est que la troisième à se tenir librement dans un cadre pluraliste, depuis l’indépendance de cette ancienne colonie française, en 1958. Et comme celles de 2010 et 2015 remportées par Alpha Condé, elle se résume à un duel entre les deux hommes . Les dix autres candidats, dont une femme, peuvent au mieux couper à la marge l’électorat des deux poids lourds mais sont principalement là pour rattraper les chiffres.

Dimanche matin à l’aube, Alhassane Diallo a donc glissé son bulletin de vote dans l’urne en plexiglas blanc mat après avoir coché la case 7 correspondant à Cellou Dalein Diallo. Arrivé dès l’ouverture des bureaux à 7 heures du matin, il a dû attendre quelques instants. Le temps que les membres du bureau de vote à ciel ouvert du carrefour Fode-Keita se déplacent oser-oser, à deux pas, sous l’auvent d’un groupe scolaire, l’urne, les listes et les deux isoloirs en plastique blanc enduit carton pour protéger contre les fortes averses soudaines à la fin de la saison des pluies.

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A dix heures du matin, la liste de présence indiquait déjà un taux de participation extrêmement élevé de 84 électeurs pour 238 inscrits. Pour Alhassane Diallo, comme nul doute que presque tous ont voté comme lui, c’est le signe annonciateur de la victoire de son champion. «Les Guinéens ont trop souffert depuis dix ans, surtout nous, les Peuls [l’une des principales communautés ethniques du pays], nous avons maintenant besoin de l’alternance », explique le jeune homme, au chômage depuis l’obtention de son diplôme d’ingénieur rural, il y a trois ans.

Autour de lui, ses amis hochent la tête. «Nous attendons juste, il n’y a aucun espoir. J’ai préféré quitter l’école, ça ne sert à rien », commente Ibrahima Cissé. Lui a  » a pris le désert «  il y a un an jusqu’en Algérie pour faire de la maçonnerie, avant d’être rapatrié volontairement par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). « Là aussi, c’est dur », il glisse sans s’étendre sur le sujet. «Alpha doit s’arrêter. S’ils annoncent qu’il a gagné, c’est parce qu’ils auront bafoué les résultats et nous ne laisserons pas cela arriver », prévient le jeune homme.

Chômage et misère

Après le pont qui enjambe l’autoroute, Mamadi Sylla décrit un peu les mêmes choses. Misère, chômage après une brève formation d’électricien, la trop grande famille entassée dans une maison au toit de tôle au bord d’une allée crasseuse … Au bord de la route, une affiche géante du candidat Condé appelle à être « Ensemble pour une prospérité partagée ». Mamadi ne s’attarde pas sur le slogan. Là, dans cette partie boueuse du quartier de Cadac à Matam, où vous remplissez vos bidons jaunes avec le robinet commun, parler de prospérité est presque obscène. Ça previent. Mamadi est convaincu que le président sortant est le mieux à même de sortir le pays de la pauvreté. «Nous avons déjà un peu d’électricité, pas beaucoup, mais avant il n’y avait rien. C’est grâce aux barrages chinois et au président. Il est un peu vieux [82 ans contre 68 ans pour son principal challengeur] mais personne ne l’aimait », il a dit.

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« Et puis, s’il part, est-ce que l’armée et ceux qui le soutiennent le laisseront partir? » Je ne crois pas « , le jeune homme s’inquiète. Pour le moment, son inquiétude porte davantage sur le désordre qui pourrait envahir les rues de la capitale après l’élection. « Les élections, notamment l’annonce des résultats, sont toujours un moment de tension en Guinée, c’est une constante », reconnaît Damantang Albert Camara, le ministre de la Sécurité. Douze mille hommes – gendarmes, policiers, membres des unités spéciales de sécurité électorale (Ussel) et soldats « Utilisé uniquement pour la logistique », précise le ministre – ont d’ailleurs été déployés sur tout le territoire pour sécuriser la population et les 15 000 bureaux de vote.

En mars, plusieurs de ces derniers ont été incendiés par l’opposition qui avait appelé au boycott des élections législatives et, surtout, le référendum organisé le même jour pour adopter une nouvelle Constitution qui a brisé le verrou interdisant auparavant à Alpha Condé de se porter candidat. un troisième mandat. Dans l’entourage présidentiel, nous sommes sereins. « Ce scrutin est plus pacifique, confie à un conseiller,Le pire est derrière nous. Croisons les doigts. « 

François Faure

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