Science

Covid-19: la grande prise de test

Longtemps en retard dans ce domaine, la France a franchi la barre symbolique du million de tests hebdomadaires de RT-PCR ces derniers jours pour la recherche du Sars-CoV-2, responsable du Covid-19. Du 24 au 30 août, 1 004 759 diagnostics ont été réalisés sur le territoire dans des laboratoires publics et privés, contre 855 915 la semaine précédente. C’est une augmentation de 17 p. 100 en une semaine seulement. Avec des résultats livrés en moins de vingt-quatre heures dans 58% des cas, et en moins de trente-six heures dans 80% des cas, selon le gouvernement. Le 27 août, lors d’un point presse, le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’a cependant reconnu – en en parlant au passé: « Nous avons […] éprouvé des difficultés à accéder aux tests. Dans certaines régions de France, en particulier, des difficultés de prise de rendez-vous qui pourraient s’expliquer par la période estivale, par la prise de congé de certains personnels de laboratoire. « 

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Pour les professionnels du secteur, la saturation est toujours d’actualité. «Les choses se bloquent dans de nombreuses régions, parfois avec deux à trois jours d’attente pour un rendez-vous et trois jours pour les résultats, rapporte Lionel Barrand, chef du syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). Nous nous retrouvons presque dans la situation de tension que nous avons connue en mars. « Sa collègue Morgane Moulis, qui travaille en Occitanie, évoque même, dans sa région, des retards «Quatre à cinq jours avant l’obtention des résultats, pour les publics non prioritaires».

« Priorisation »

En cause, de façon variable selon les territoires: le manque de personnel pour les prélèvements, mais aussi les pénuries de matériel, comme les écouvillons, les réactifs, et tout un ensemble de petites pièces qui, pour la plupart, dépendent du étranger . Or, «La concurrence internationale reste forte, car au début de la crise, se souvient Morgane Moulis. Et très souvent, les États-Unis se servent avant tout le monde, et il faut attendre. «  Manquent aussi, parfois, les machines elles-mêmes (les «automates»), dont les délais de livraison se comptent en mois.

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Une situation de tension qui fait suite à une demande de tests de plus en plus forte, née d’un changement radical, ces dernières semaines, des règles de dépistage, comme le rappelait à nouveau Olivier Véran, le 27 août: « Quand [première] vague épidémique, nous avons considéré tout patient suspecté de coronavirus comme patient a priori, avec ou sans diagnostic biologique […]. Depuis, les choses ont changé. «  En particulier à cause de « Recommandations scientifiques, françaises, internationales, [qui] nous a dit de tester plus ». La règle maintenant: « Rendre les tests disponibles à tous ceux qui en ont besoin et à tous ceux qui le souhaitent ». En d’autres termes, tout le monde … Avec, comme un grand changement, « La levée de l’obligation de limitation ». Pas besoin d’ordonnance donc, depuis le milieu de l’été, pas d’obligation de présenter des symptômes à diagnostiquer. Ajoutez à cela une couverture à 100% des coûts par la Sécurité sociale. «Sur le papier, c’est très bien, si cela permet d’identifier et de briser les chaînes de contamination, et d’éviter un nouveau confinement, dit Richard Fabre, président du syndicat régional des biologistes d’Occitanie. Sauf que nous ne pensions pas que les gens se précipiteraient dans les laboratoires comme ça. «  Sans oublier aussi « Certaines personnes que l’on voit débarquer plusieurs fois par semaine », déplore Morgane Moulis, en charge d’un essai routier dans la région toulousaine. Afin de limiter cet afflux de candidats, composé à près de 80% d’asymptomatiques, le gouvernement avait mis en place, le 26 août, une doctrine de «priorisation», plaçant en premier «Les personnes symptomatiques ou ayant été en contact avec un patient». Un public pour qui l’examen devait être effectué dans les vingt-quatre heures, et les résultats livrés dans les vingt-quatre heures suivantes. « Sauf que ça ne marche pas comme ça, explique Morgane Moulis. Tous ceux qui viennent disent évidemment que leurs symptômes sont une priorité. On le voit sur les forums de discussion sur Internet, ils se donnent tous les bons conseils pour avancer. «  Même si en principe, selon l’assurance maladie, « Le patient, en cas de symptômes, doit consulter au plus vite son médecin traitant », qui lui donnera alors, «Si la suspicion d’infection est confirmée, une prescription médicale pour un test de dépistage». Une demande plus qu’une obligation.

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« Télescopique »

Il existe également une forte pression de la part des voyageurs, pour lesquels de nombreuses compagnies aériennes ou États exigent un test négatif récent. En France, par exemple, toute personne de plus de 11 ans voyageant du continent vers les départements et territoires d’outre-mer français doit présenter un test réalisé dans les soixante-douze heures avant le décollage. Enfin, un autre public «pressé»: les patients devant subir une intervention chirurgicale. La Société francophone de pathologie infectieuse (Spilf) recommande en effet qu’un test soit réalisé dans les vingt-quatre à quarante-huit heures précédant l’opération. Résultat: «Même avec la doctrine de la priorisation, difficile à appliquer, on ne s’en sort pas, s’inquiète Lionel Barrand. Nous devons faire la police entre des gens très agressifs. Nous avons un poids énorme sur nos épaules. «  Morgane Moulis, pour sa part, admet refuser les gens: «Une personne qui ne présente aucun symptôme ou qui ne court aucun risque de contact n’a aucune raison de venir se faire dépister! En raison de cet afflux de n’importe qui, nous prenons du retard pour les vrais patients et les cas de contact.  » Retard qui a alors des répercussions sur le travail de traçage des cas de contact et de neutralisation des chaînes de contamination.

Pour Richard Fabre, «Cette situation est le résultat du télescopage de deux philosophies différentes: celle du test comme outil de santé publique et celle du test comme diagnostic médical. Du coup, l’identification des patients est noyée dans les tests de M. Tout le monde ». Face à cette situation, le syndicat des jeunes biologistes médicaux appelle à un recentrage de la stratégie de dépistage. « Nous devons mettre en numéro 1 les personnes avec des ordonnances et des symptômes », considère son président, Lionel Barrand. Et pour les asymptomatiques, « Nous devons tester ceux qui sont à risque, mais pas tous asymptomatiques, sinon cela n’a pas de sens. » Morgane Moulis, elle demande le retour de l’obligation de prescription, «Ce qui permettra également de remettre la personne dans un parcours de soins». Et pour les cas de contact, « La présentation d’un document ARS [agences régionales de santé, ndlr]». L’application est également faite de «Éliminer ou limiter au maximum les campagnes de dépistage massives, l’envoi massif de bons de souscription et la réalisation de tests systématiques chez tous les résidents des maisons de retraite chaque mois en l’absence de symptômes ou de cas positifs». Pour le transport aérien, le syndicat propose que la durée du test soit ramenée de soixante-douze à quatre-vingt-seize heures.

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Test de salive

Un service également ouvert aux enquêteurs de l’assurance maladie, en charge d’identifier les cas de contact. «Cela permet de hiérarchiser les demandes de test sur les urgences sanitaires réelles, les patients Covid ou suspectés de Covid, explique le docteur Jean-Claude Azoulay, coordinateur de l’opération. 70% des laboratoires d’Ile-de-France ont intégré ce réseau de tests sécurisé et pris des engagements forts: ils doivent disposer d’un biologiste de garde joignable à tout moment, s’engager à donner un rendez-vous dans les vingt-quatre heures et les résultats de les tests dans les vingt-quatre heures. «  Si la plateforme prend lentement de l’ampleur, avec près de 150 rendez-vous obtenus chaque jour depuis la rentrée et un taux de satisfaction des demandes proche de 100%, elle est cependant loin de répondre à la demande quotidienne en Ile-de-France. «Nous devons nous concentrer sur l’information des médecins: tous n’ont pas connaissance de l’existence de cette plateforme et du numéro de téléphone dédié, reconnaît Jean-Claude Azoulay. De nombreux praticiens essaient encore d’atteindre les laboratoires directement, car les instructions leur ont été données au début de l’épidémie, mais les laboratoires sont tellement sous pression qu’ils ne répondent plus.  » Si le succès se confirme, l’expérience pourrait être déployée dans les régions Paca et Bourgogne-Franche-Comté.

Le salut, enfin, pourrait venir d’une innovation technologique: le test salivaire, actuellement testé à l’AP-HP et en Guyane (programmes Salicov-AP-HP et Covisal). «Le test de salive présente de nombreux avantages, soutient le docteur Solen Kernéis, du service de prévention et de contrôle des infections de l’hôpital Bichat, à Paris, et chercheur principal de l’étude Salicov-AP-HP. Il est beaucoup plus facile et plus rapide à réaliser qu’un prélèvement nasopharyngé, et il n’y a pas besoin de qualifications spéciales pour le personnel, ni d’équipement spécifique. Par exemple, nous éviterons les pénuries d’écouvillons. «  Une façon de rationaliser le circuit et d’augmenter massivement le nombre de personnes collectées. « Si on est hyper optimiste, on peut même imaginer que les gens se prélèvent, un peu comme pour une analyse d’urine », dit Solen Kernéis. En attendant, le syndicat des jeunes biologistes demande au gouvernement de lancer une campagne massive de vaccination contre la grippe et la gastro-entérite, « Afin de limiter le nombre de cas » qui s’ajouterait cet hiver aux patients Covid. Au risque d’assister, sinon, le«Explosion de l’ensemble du système de dépistage et de soins».

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Nathalie Raulin Photos Stéphane Lagoutte. Myope

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Luc Peillon

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Anaïs Moran

Alveré Paquet

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