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«Les adolescents sont des créatures mutantes perdues entre deux mondes», déclare Riad Sattouf

L’Arabe du Futur t5 et son auteur, Riad Sattouf – © Riad Sattou & Allary Editions 2020 / photo © Marie Rouge

  • Dans sa série autobiographique «L’Arabe du futur», Riad Sattouf raconte sa jeunesse entre la Bretagne et le Moyen-Orient.
  • Les quatre premiers volumes – sur six annoncés – totalisent plus de 2 millions d’exemplaires vendus en France.
  • Le volume V n’a nécessité qu’un an de travail de son auteur, contre deux pour le précédent.

Six ans après avoir commencé à raconter son enfance à Arabe du futur,
Riad Sattouf poursuit son grand travail en publiant le cinquième tome d’une série dont le succès s’essouffle à peine: avec plus de deux millions d’exemplaires vendus en France – sans compter les ventes à l’étranger, le titre étant traduit en 22 langues – et des dizaines de distinctions prestigieuses ( incluant le
Fauve d’or du festival d’Angoulême 2015), L ‘UNErabe du futur est le phénomène de la bande dessinée de la décennie. Autant dire que cette suite, qui couvre les années 1992-1994, était attendue …

Le premier volume racontait les six premières années (1978 à 1984) d’un peu excité Riad Sattouf de la Libye de Kadhafi en Cap Fréhel et la Syrie de Hafez Al-Assad (parce qu’elle est née d’une mère bretonne et d’un père syrien); dans la seconde (1984-1985) nous avons suivi sa première année scolaire en Syrie; le troisième (1985-1987) relatait – entre autres – sa circoncision; le quatrième embrasse sa pré-adolescence (de 1987-1992, donc de ses 10 ans à ses 14 ans)… Ce nouveau volume, l’avant-dernier de la série, revient donc évidemment sur la période délicate de l’adolescence, entre amours contrariées et découverte de sa vocation artistique.

« A l’adolescence, l’être humain est surnaturel »

Demandé par 20 minutes, Riad Sattouf confie qu’il a pris un grand plaisir à revenir sur ces années très spéciales: «Je parle de l’adolescence des autres dans mes bandes dessinées depuis de nombreuses années. J’étais heureuse de pouvoir parler de la mienne cette fois-ci. Les adolescents sont des créatures mutantes perdues entre deux mondes, entre le crépuscule de l’enfance et l’aube de l’âge adulte… c’est un moment que j’aime. Les êtres humains sont surnaturels à cet âge, je crois. Ce tome parle beaucoup du surnaturel, d’ailleurs. « 

En l’écoutant, on a le sentiment que son travail relève presque de la psychanalyse! «Non, pas vraiment», objecta-t-il. Mes livres viennent d’eux-mêmes. Je suis toujours surpris par le fait que chacun de mes livres se crée un peu seul, pour sa part, je ne l’accompagne qu’à venir… Il y a sans doute quelque chose de psychologique, lié à l’inconscient dans le processus pourtant! Parfois je me sens comme un aubergiste à l’orée d’une forêt, et les livres et les histoires sont comme des voyageurs sortant des bois et demandant à être écoutés… Je leur sers un plat de soupe et j’écoute ce qu’ils ont à dire! « 

Une tragédie sous le placage de l’humour

Narrée avec le même humour qui habite l’œuvre de l’auteur / réalisateur, les angoisses de l’adolescence sont cependant tempérées par la disparition de Fadi, son petit frère. L’événement donne une vraie dimension dramatique à ce volume, contrairement aux précédents. «Il ne faut pas trop divulguer le contenu de l’histoire! Mais j’ai toujours essayé de raconter les histoires tragiques de manière comique, c’est très important pour moi: il faut aussi pouvoir rire dans mes livres, car le rire augmente l’impact de toutes les émotions. « 

On découvre aussi comment est née la vocation du jeune Riad Sattouf, à qui ses amis ont d’abord présenté Lovecraft avant qu’Anaïck, la «femme de sa vie», lui prête des bandes dessinées de Mœbius, Druillet et Bilal. Lorsqu’on lui demande si sa carrière s’est déroulée comme il l’imaginait à l’époque, Riad Sattouf rit: «Oh non, eh bien, j’ai eu la chance de ne pas réussir pendant quinze ans, ce qui m’a permis d’être sûr et certain que j’aimais faire des bandes dessinées dessus tout le reste. Aujourd’hui, que j’ai un public si diversifié, je suis complètement heureux et je veux essayer de faire les meilleurs livres possibles! Mon amour pour la bande dessinée est toujours le même qu’il y a vingt ans lorsque j’ai commencé. « 

« J’ai hâte que le coronavirus devienne une espèce éteinte »

Toujours aussi drôle, émouvant, captivant et instructif, ce nouveau volume ne manquera pas de gonfler les rangs des plus de deux millions de lecteurs de la série. Riad Sattouf s’est dit très heureux de ce succès phénoménal: «J’ai pensé Arabe du futur comme une bande dessinée accessible aux personnes qui ne lisent pas les bandes dessinées. Je pense que j’ai réussi à toucher de nombreux lecteurs qui n’auraient jamais pensé pouvoir lire une bande dessinée! Cela me rend très fier et j’ai hâte de partager le reste de l’histoire avec tous mes lecteurs. J’ai également hâte de pouvoir retourner dans les librairies pour les rencontrer! J’ai toujours rêvé d’être lu et compris par le plus grand nombre. J’ai hâte que les êtres humains fassent du coronavirus une espèce éteinte! « 

Puisqu’il évoque l’actualité, nous en profitons pour lui demander ce qu’il pense des derniers développements autour des caricatures de Muhammad. Et là, celui qui a souvent exprimé sa gratitude au corps enseignant est inépuisable: «La liberté d’expression en France et l’abondance de créativité qu’il y a ici est à mon sens unique au monde. Il doit être préservé, protégé par tous les moyens! Nous devons éduquer les jeunes au doute, à la contradiction, à la critique, à ne rien abandonner. J’ai été horrifié par le meurtre atroce de Samuel Paty par un adolescent islamiste. Les enseignants sont en première ligne. Nous devons leur donner plus de ressources, mieux les considérer. Mes professeurs de français, même ceux que j’aimais le moins, trouvaient toujours un moyen d’élever leurs élèves. Faites-leur voir la vie d’un autre point de vue, sortez-les un instant de leur classe sociale. « 

Avant de continuer: «Quand j’habitais dans mon village en Syrie, personne ne lisait, il n’y avait ni librairies ni bibliothèques. J’ai eu une vie confinée. Je dois le fait de faire des livres aujourd’hui à ma grand-mère bretonne, qui m’a envoyé des livres de France par la poste. Pour moi, le livre était essentiel! Et l’émancipation passe par l’expression artistique ». Pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.
L’arabe du futur tome 5 « Jeunesse au Moyen-Orient (1992-1994) », par Riad Sattouf – Allary Éditions – 22,90 euros

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Rolande Desroches

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